CRITIQUéE PAR LES PILOTES ET LE PUBLIC, LA F1 DéFEND SES RETRANSMISSIONS TV

Lors du Grand Prix de Singapour, Fernando Alonso avait exprimé son mécontentement à la radio après un arrêt au stand lent qui l'avait fait rétrograder de la huitième à la quinzième place. Lorsque son ingénieur, Andrew Vizard, lui avait indiqué le nombre de tours restants, le double champion du monde avait répliqué : "Si tu me parles à chaque tour, je vais déconnecter la radio".

Alonso n'avait alors pas mesuré l'attention que son coup de sang allait susciter auprès du public et s'était exprimé sur X : "Avec la pole position assurée pour la diffusion privée à la radio, il est temps d'affiner la couverture principale et de transmettre toute l'excitation en piste aux fans !"

Deux courses plus tard, lors du Grand Prix de Mexico, les critiques de l'Espagnol ont continué. Alonso reprochait que plusieurs pilotes avaient pu couper le premier virage au départ sans rendre leur position. "Ils voient toutes les radios que nous faisons, en privé", avait-il déclaré après l'incident au premier tour. "J'espère qu'ils vont diffuser ça et qu'ils verront le virage 1 et 2. Allô ? Le virage 1 et 2 n'ont pas été diffusés ?"

Ses commentaires n'ont en fait pas été retransmis en direct. Mais le directeur des diffusions et médias de la F1, Dean Locke, a rappelé dans une interview exclusive avec Motorsport.com que son équipe à Biggin Hill, responsable des retransmissions de la F1, "n'est pas une tribune" pour les pilotes.

"Nous avons la responsabilité de raconter l'histoire de manière juste et précise, nous ne publions donc rien qui soit trompeur ou poursuive d'autres intentions", a expliqué Locke. "Fernando est incroyable. Ce qu'il peut faire dans cette voiture tout en ayant encore le temps d'y réfléchir est admirable. Mais nous ne sommes pas sa tribune."

"Notre objectif est de rester fidèles à l'histoire et de faire participer les fans", a ajouté Locke. "C'est formidable de voir le type d'histoires que nous pouvons raconter, comment nous pouvons montrer la course du point de vue de deux coéquipiers, et des choses comme ça. Mais nous devons être prudents, car parfois un pilote critique son équipe sans connaître tous les faits."

"Nous devons alors nous protéger contre toute mauvaise interprétation. Nous voulons apporter de l'excitation, immerger les fans dans le cockpit et montrer qui est réellement le pilote, mais sans exagérer ni tomber dans le sensationnalisme. Je me souviens aussi que Fernando faisait ses communications radio à bord en italien, et quand nous les avons toutes sous-titrées en anglais, il a arrêté de le faire. Donc oui, parfois, il y a d'autres intentions derrière ce genre de choses. Nous essayons de gérer cela avec discernement."

Les retours des pilotes

Mais Alonso n'est pas le seul pilote à avoir critiqué la couverture de la F1 : son compatriote Carlos Sainz s'est également exprimé après le Grand Prix de Singapour. Dans son cas, il reprochait l'attention excessive portée aux célébrités et aux compagnes lors des retransmissions, au détriment, selon lui, de l'action en piste. Ses remarques faisaient suite à sa belle remontée en fin de course à Singapour, avec cinq dépassements, à peine montrés à l'écran.

Ces critiques posaient la question des échanges entre le Media and Technology Centre de la F1, à Biggin Hill, et la GPDA, l'association des pilotes de Grand Prix, ainsi que du rôle des équipes et des pilotes dans le retour d'expérience sur les retransmissions.

"C'est une bonne question, car ils ne savaient pas réellement quelles options nous avions, par exemple pour couper le son, mettre en sourdine ou filtrer ce qui est dit", a expliqué Dean Locke. "Il y a environ un an, je suis allé à un briefing pilotes pour expliquer comment fonctionne le processus de la radio embarquée, afin qu'ils comprennent que nous essayons de les protéger et de montrer de la meilleure manière possible à quel point ils sont exceptionnels en tant qu'athlètes."

Concernant les images incluses dans une retransmission de course, Locke explique que la F1 reçoit "parfois" des retours des équipes ou de l'entourage d'un pilote, "mais honnêtement, pas souvent", a-t-il ajouté.

"Je pense que certains commentaires à ce sujet ont été un peu sortis de leur contexte", a précisé Locke à propos des remarques de Sainz. "Lors de cette course, par exemple, nous avons montré un plan hors piste trois fois, et même pas pendant l'action elle-même. Nous avons la responsabilité de montrer l'ambiance globale de l'événement : ce qui se passe sur la piste, mais aussi autour. Cela inclut des images de la grille, du public, ou du podium ensuite."

Dean Locke explique que cela permet à la retransmission de la F1 de séduire un public diversifié, qui comprend à la fois des spectateurs venus pour la course et d'autres qui veulent profiter de "toute l'expérience autour de l'événement".

"Si nous ne montrions que des plans rapprochés des voitures sur la piste, vous ne sauriez même pas sur quel circuit nous nous trouvons", a-t-il souligné. "Nous avons la chance que de nombreux circuits aient vraiment leur propre ambiance, pensez à Abu Dhabi, Austin ou Monza, et nous devons transmettre cette atmosphère. C'est quelque chose que les sports de stade, comme le football, ont moins."

"Un stade de Manchester United est visuellement similaire à beaucoup d'autres stades, mais chaque Grand Prix de F1 a son propre caractère. Nous devons donc capturer l'événement du mieux possible, par tous les moyens. Mais au fond, tout tourne autour de l'action sur la piste, c'est l'essentiel. Plus cette action est intense, mieux c'est."

Focus sur la lutte pour le titre

Un autre aspect que la direction TV de la F1 doit particulièrement surveiller, surtout à l'approche de la finale de la saison, est la bataille pour le championnat. "Il y a de belles bagarres en ce moment, par exemple avec les McLaren, donc nous devons être pleinement attentifs à cela et le retransmettre correctement au public", a expliqué Locke. "Mais encore une fois, l'action en piste reste prioritaire. Cependant, souvent, beaucoup de choses se passent en même temps, et l'équipe travaille très dur chaque semaine pour déterminer exactement comment le montrer au mieux."

Cette préparation ne se limite pas à la course elle-même, elle commence bien avant. Locke prend l'exemple du Grand Prix de Mexico. "Il y a eu beaucoup de discussions sur le premier virage au Mexique, car nous savions que quelque chose pouvait se produire", a-t-il confié, en référence aux incidents fréquents du premier tour. "La question était alors : devons-nous prendre un plan plus large pour montrer également les échappatoires ? Tous nos réalisateurs et producteurs travaillent à plein temps, afin de pouvoir évaluer après chaque course ce qui a bien fonctionné et ce qui pourrait être amélioré."

Selon Dean Locke, des améliorations ont déjà été mises en place cette année pour mieux suivre les duels en piste, notamment grâce à "l'image dans l'image". Ainsi, sur le grand écran, le duel principal peut être mis en avant, tandis qu'un petit écran montre les graphiques des positions intermédiaires, mettant en lumière d'autres batailles en parallèle.

"Certaines des innovations que nous avons introduites cette année nous permettent de montrer plusieurs combats et histoires en même temps", a déclaré Locke. "Les qualifications en sont un bon exemple : nous avons désormais trois chronos indépendants et pouvons utiliser la barre à gauche de l'écran pour raconter l'histoire de dix pilotes séparés par seulement quelques fractions de seconde lors de leur dernier tour de Q3."

"Comme je l'ai mentionné plus tôt, il en va de même pour les 'images dans l'image' et les techniques similaires. Cela nous permet, de temps en temps, de montrer le leader même s'il roule relativement calmement en tête, tout en suivant les autres histoires. Plus l'histoire que nous racontons est riche, mieux c'est, mais l'action en piste reste toujours l'élément le plus important."

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2025-11-04T15:27:16Z